Cet article est un extrait de CLANS DANS L’ENTRE-DEUX-GUERRES, résumé du mémoire de maîtrise de Delphine PREDHOMME ©.

Document PDF : Clans dans l’entre deux-guerre D. Predhomme.

L’école : une priorité de la vie communale

Depuis que l’école a été rendue obligatoire et gratuite par Jules Ferry en 1882, le maître n’émarge pratiquement plus au budget communal. Les mairies libérées de cette très lourde charge doivent tout de même assurer le logement de l’instituteur ainsi que la construction et l’entretien des salles de classe.

Avant la construction du bâtiment scolaire, les classes étaient réparties dans plusieurs quartiers du village. On raconte qu’elle a même eu lieu sur la place du Verger, dans la maison du docteur Maurin. Ce qui est sûr c’est qu’elle a existé place du Four, place de l’Estra. Les classes n’étant pas mixtes, la situation était comp lexe car la classe des filles, la classe des garçons et la classe enfantine étaient réparties dans trois quartiers différents du village.

A l’orée du XXe siècle, l’école n’était donc pas un lieu de réunion de tous les enfants du village. Il y avait plusieurs classes dispersées dans la commune ; les enfants prenaient donc leur récréation sur la place voisine ou sur les chemins. Pour remédier à cette situation, le 9 mars 1910, le conseil municipal adopte le projet de construction du groupe scolaire dont le devis estimatif s’élève à 37 457 francs. Le bâtiment projeté se trouve à l’ouest de la place de l’Estra, surplombant le chemin du Raous à la Tour.

Un questionnaire rempli par l’inspecteur primaire le 10 septembre 1910, nous apprend qu’à cette date, 190 enfants sont en âge de fréquenter l’école, c’est-à-dire qu’ils ont entre cinq et treize ans. La construction du bâtiment répond à cette importante demande et touche à sa fin en 1913. Il sera l’objet de toutes les attentions de la municipalité car les élus ont compris combien est nécessaire l’instruction dans ces villages isolés.

Tout d’abord, il faut équiper de matériels scolaires ces classes et une délibération datée du 14 novembre 1916 nous renseigne sur la variété de ces équipements : « Le président expose au conseil que les salles de classe du nouveau groupe scolaire sont presque complètement dépourvues du matériel indispensable à l’enseignement (cartes géographiques, tableaux de systèmes métriques, tableaux scientifiques, tableaux de lecture) et que cet état de choses est très préjudiciable à l’instruction des élèves, il invite en conséquence le conseil à délibérer.

Le conseil ouï l’exposé de monsieur le président : vue le manque de matériel d’enseignement dans les salles de classe, décide d’adresser une requête pressante à M. le ministre de l’instruction publique le priant de vouloir bien attribuer aux écoles du nouveau groupe scolaire de Clans le matériel d’enseignement nécessaire ci-après énuméré : trois cartes de géographie de la France physique, deux cartes de géographie de la France économique, trois cartes de géographie de la France politique, deux cartes de géographie de l’Europe physique et politique, deux cartes du monde (planisphères), un globe terrestre, trois tableaux de système métrique, quelques tableaux scientifiques (l’homme, les plantes, les instruments agricoles, les engrais) en double, quelques tableaux de leçon de choses pour la classe enfantine, une collection de

tableaux de lecture (méthode Cuissart de préférence) pour la classe enfantine, trois déclarations des Droits de l’homme et du citoyen ».

Cette liste de fournitures révèle la qualité de l’enseignement dispensé dans ces écoles communales. Il est complet, pratique et offre une véritable ouverture d’esprit sur le monde extérieur. Pour le rendre vivant, les instituteurs rattacheront leur enseignement à la vie agricole, si bien connue des enfants. Pour soutenir l’effort des instituteurs et rendre la classe attrayante et vivante, le conseil municipal, le 1er mai 1926, vote l’achat d’un cinéma scolaire, équipement coûteux et très moderne pour l’époque. Ce cinéma sera réalisé un peu plus tard puisqu’une lettre des instituteurs de Clans datée du 17 juin 1930 demande au conseil municipal une subvention pour l’acquisition d’un appareil de cinéma semi-professionnel à usage scolaire et postscolaire. Cette initiative entre dans le projet de l’association des amis de l’école de Clans.

Le Conseil général, le ministre de l’Agriculture et celui de l’Instruction publique subventionnent le projet de façon très importante ne laissant que 700 à 800 francs à régler par la municipalité. Le but est de profiter d’un enseignement vivant dont tout le monde pourrait profiter surtout pendant les longues soirées d’hiver. La cinémathèque fournirait deux films gratuits par semaine et l’école normale d’instituteur en procurerait un troisième. Toutes Archives communales.

Les séances seraient bien évidemment gratuites pour les écoliers. La commune de Clans entretient au mieux son école.

Le 15 mars 1932, le conseil municipal décide d’améliorer la qualité de vie des écoliers en votant l’installation de calorifères. Le 10 novembre 1934, la pose des appareils d’hygiène au groupe scolaire est terminée. En 1934, le conseil municipal décide que le bâtiment scolaire va contenir en ces locaux la mairie, ce qui est toujours le cas aujourd’hui. En effet, le 29 septembre le conseil municipal juge que les locaux de la mairie deviennent insuffisants pour les besoins des services municipaux et présentent un danger pour la conservation des archives car ils sont situés au-dessus du four communal.

A la veille de la Seconde guerre mondiale, l’école reçoit les derniers équipements, lui donnant pratiquement son aspect actuel. Ces travaux sont nés d’une demande de M. Poitevin, directeur des écoles communales de Clans.

Le 7 août 1938, le conseil municipal examine sa proposition de travaux et l’adopte.

Elle comprend la construction d’un lavoir pour l’usage du personnel enseignant, la pose de stores roulants en bois pour préserver les salles d’étude des rayons solaires et des intempéries, le remplacement des grillages entourant les bâtiments et les cours de façon à préserver les élèves de tout accident, car les cours se trouvent surélevées de plusieurs mètres par rapport à la route en contre bas. Enfin, elle envisage la pose d’un grillage en fer à l’entrée de l’école pour éviter l’envahissement des cours et des bâtiments pendant les périodes de vacances et les jeudis. Ainsi, l’école occupe une place primordiale dans la commune.

Encore aujourd’hui, une des forces du village de Clans est d’avoir pu préserver son école alors que dans les communes environnantes les écoles disparaissent les unes après les autres. De plus, la commune de Clans a complété son infrastructure scolaire par la construction d’écoles dans ses hameaux.

Le 16 avril 1934, M. Lacroix, le directeur de l’usine hydroélectrique de Bancairon demande la création d’une école dans ce quartier. En effet, cette petite agglomération, avec cette nouvelle industrie, voit sa population augmenter. M. Lacroix rapporte que ses agents, établis à demeure, demandent la création d’une école pour leurs enfants qui sont au nombre de 29. Ceux-ci sont répartis dans les écoles de Clans, Roussillon, Marie, Gap et Annot ; l’école la plus rapprochée, Roussillon, se trouvant à sept kilomètres de Bancairon. Le maire estime qu’il y a lieu de donner une suite favorable à cette demande par la création d’une école à Bancairon. Celle-ci permettra aux enfants, dont le nombre augmente chaque année, de fréquenter cette école et d’éviter les dangers d’accidents et d’intempéries dont ils ont eu à souffrir en parcourant les distances qui les séparent des autres écoles.

Pour réaliser ce projet l’ancienne gare de tramway de la localité est utilisée et la société EELM participe aux frais d’aménagement.

Avec le succès de l’école de Bancairon, les habitants du hameau de Pont-de-Clans vont eux aussi demander que la gare de tramway soit vendue pour la construction d’une école.

Dans un premier temps, le conseil municipal refuse de donner suite à cette pétition mais celle-ci aboutira finalement quelques années plus tard. Clans dans les années cinquante compte donc trois écoles mais les deux écoles des hameaux fermeront leurs portes au début des années quatre-vingt.

L’enseignement dispensé aux enfants de l’école communale est de bonne qualité. Le certificat d’étude qui vient sanctionner leur scolarité est un diplôme de valeur. A Clans il y a donc trois classes : la classe des garçons, la classe des filles et la classe enfantine. Le 10 août 1922, cette dernière est supprimée par l’inspecteur d’académie. Le maire accepte cette décision mais propose que les élèves des deux sexes soient autorisés à fréquenter l’école jusqu’à l’âge de quatorze ans au lieu de treize. Selon lui, les enfants de cet âge ont une conception plus claire des leçons qui leur sont données. La municipalité a donc compris combien l’enseignement est important.

Toutefois, il ne faut pas croire que l’école soit le souci primordial des familles. En effet, les classes sont surchargées en hiver mais sont désertées avec les premiers beaux jours car la plupart des enfants doivent accompagner leurs parents aux champs. Les durs travaux ne peuvent tolérer l’absence de leurs bras. Fort de ces constations, le conseil municipal décide le 12 novembre 1922 que, suite à la circulaire du préfet au sujet des vacances scolaires, « les six derniers jours à fixer par M. l’inspecteur primaire soient pris dans les derniers six jours de l’année à cause qu’à cette époque de l’année un très petit nombre d’élèves fréquentent l’école par suite des travaux agricoles »

Cette omniprésence de la vie agricole transparaît même à travers la vie des écoliers. A Clans, un grand pas va être franchi en 1923. Le maire donne lecture d’une lettre de M. Thaon et de Mlle Corporandy, instituteur et institutrice à Clans : « Les programmes et horaires de l’enseignement primaire nécessitent la création de quatre groupes d’élèves dans leur classe, il résulte de ce fait que les maîtres doivent consacrer à chaque division un laps de temps très restreint et se dépenser sans arrêt. Pour parer à ces inconvénients et pour le plus grand bien des maîtres et des élèves, il y a une solution, la gémination. Celle-ci consiste à grouper les élèves de sexes différents. En l’espèce, M. Thaon se chargerait des élèves (garçons et filles) de 10 à 14 ans et Mlle Corporandy de ceux de 7 à 10 ans »

Alors qu’il était impensable de trouver des écoles mixtes à la ville, dans les écoles de village la mixité se répand très vite. Le conseil municipal, observant que cette mixité n’engendre aucun trouble de la moralité, qu’elle facilite l’enseignement et qu’elle augmente sa qualité, approuve tout à fait la proposition des maîtres de l’école communale. Celle-ci devient donc mixte.

En 1927, l’école de Clans perd un poste d’instituteur. La commune insiste pour que le poste soit recréé d’autant plus que cette décision a pour conséquence le refus de la scolarisation des enfants au-dessous de six ans. Au total une vingtaine d’enfants sont livrés à la rue puisque les parents sont occupés par les travaux des champs. Emu par cet état de choses, le conseil municipal demande le 29 septembre 1934 la création d’une garderie d’enfants. Cette demande est rejetée par l’inspecteur d’académie mais celui-ci fixe désormais à quatre ans l’âge minimum pour la fréquentation scolaire.

Malgré tous les efforts de la municipalité, les jeunes ne fréquentent pas assidûment l’école. Peu motivés par les parents, ils restent souvent inattentifs et turbulents. Les enfants issus de familles peu aisées ne peuvent accéder que très difficilement à un niveau social supérieur. Lire, écrire, compter, suffit alors pour reprendre l’atelier ou le champ des parents.

De plus, ils doivent souvent s’absenter pour aider la famille, en particulier pour la garde du troupeau, la moisson et la récolte des olives.

Le 8 juin 1924, la caisse des écoles est créée. Elle va encourager la fréquentation scolaire par des récompenses sous forme de livres utiles, de cahiers, de livrets de caisse d’épargne remis aux élèves les plus appliqués. Elle va également procurer des secours aux élèves indigents ou peu aisés soit en donnant des livres et des cahiers soit en distribuant des vêtements et des chaussures et même, pendant l’hiver, des aliments chauds.

Le 31 octobre 1930, cette démarche est complétée par la création de la société des amis de l’école laïque de Clans. Cette société bénéficie d’une subvention annuelle de l’Etat et ne fait pas double emploi avec la caisse des écoles. Elle a pour but de rendre attrayant le travail scolaire, de donner un prestige à l ‘école et de procurer un certain bien-être aux écoliers. Une société analogue se tenait à Saint-Martin-Vésubie. Le cinéma scolaire est l’un de ses projets. Enfin, peu de villageois passent dans l’enseignement secondaire. Afin d’aider financièrement les familles des enfants qui viennent à partir à la ville pour étudier, la commune de Clans utilise l’argent du legs Régis. Une somme dont le montant varie chaque année a été léguée par Scipion Régis à sa mort afin de permettre aux jeunes gens de la localité, suivant des cours de médecine, d’en bénéficier. Cette somme est portée au budget communal.

En 1914, exceptionnellement, la somme du legs s’élevant à 3604 francs n’ayant pas été dépensée, servit à pallier aux misères. En effet, cette année-là, Clans dû faire face à l’arrivée de trente réfugiés du nord de la France. Cette situation représentait une lourde charge financière pour la commune.

En 1918, ce legs Régis est utilisé au profit de Paul Filippi, étudiant en médecine à l’école annexe de Toulon. Cette action bienfaitrice permit à de nombreux jeunes gens de la localité d’exercer le métier de médecin. Ce legs sera utilisé plus tard pour des études autres que celles se rapportant à la médecine.

Toutefois, les hautes études restent encore peu nombreuses dans le village.

Les exemples sont ponctuels car même si l’école est de plus en plus perçue comme un moyen de promotion sociale, il n’empêche que l’éducation véritable, celle qui touche davantage l’enfant, se déroule dans la vie quotidienne. Le contact des parents permet l’apprentissage des techniques agricoles ou artisanales. L’écoute des adultes au

repas, aux veillées est fondamentale.

Cette transmission des savoirs est un véritable patrimoine. Les filles commencent très tôt l’apprentissage de la vie en secondant leurs mères dans leurs tâches ménagères.

En définitive, l’école devient une priorité de la vie communale mais le poids des mentalités est encore un handicap important pour favoriser les études longues qui permettent une véritable promotion sociale. Cependant, cette situation va progressivement se modérer puisque à la fin de notre période d’étude beaucoup plus de jeunes gens descendront à la ville pour y étudier même si ce n’est pas encore une large majorité. L’école communale de Clans constitue encore aujourd’hui un véritable atout pour le village et c’est l’élément essentiel à la survie et au développement de la localité.

Ainsi, tous ces équipements ont permis l’évolution de la commune, ils seront complétés par l’électrification, la mise en place du téléphone. Ce sont les municipalités successives qui ont été assez énergiques pour arriver à un tel résultat.

 

Extrait de CLANS DANS L’ENTRE-DEUX-GUERRES, résumé du mémoire de maîtrise de Delphine PREDHOMME ©.

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